Tribunal révolutionnaire : Republico-assassin's creed
- onplesentehistoire
- 29 juil. 2020
- 6 min de lecture

Cette gentille institution a envoyé 17 000 personnes vers une mort on ne peut plus directe : la guillotine. Les portes du tribunal s’ouvrent à 8h le matin sur l’île de la cité et déjà une foule de populasse s’y masse pour tenter de s’offrir un grand frisson, un peu comme devant une attraction de fête foraine. Surtout qu’on y accueille de véritables stars, du genre qui font la une de Paris Potins : Marie-Antoinette pour ne citer qu’elle.
Le tribunal des vertues
Le tribunal se forme une première fois en août 1792 sur la brillante idée de notre ami Danton (qui l’aura d’ailleurs bien profonde à la fin de cette sombre histoire comme tu le sais), puis se stop en novembre de cette même année avant de reprendre en mars 1793. Je n’explique pas cet arrêt, c’est simplement factuel, ne va pas monter sur tes grands chevaux. Sur la théorie, on avait pas faux : à l’époque, dire que c’était le bazar c’est un doux euphémisme, c’est LE BORDEL (Ouais je cris si je veux ok ? On est là pour s’exprimer après tout). Y’a des massacres à tous les coins de rue, ça tue comme ça achète du pain et tu sais combien les français aiment la baguette moulée. Le but du tribunal, c’est de juger et de tuer à la place des autres. On va pas dire qu’ils se sacrifient pour la nation non plus ces gueux, faudrait pas déconner, ils te bouffent des tripes de Caen en veux-tu en voilà au p’tis dèj, tu m’étonnes que ça les ait rendus un peu fêlés du caisson !
C’est République c’est eux, c’est personne en fait.
On t’explique tout comment fonctionne ce tribunal qui est aussi Républicain et démocratique qu’un 49.3 : il est composé de 3 magistrats, d’une dizaine de jurés et d’un accusateur public.
Ce dernier est en charge d’arrêter les suspects, de les déférer et d’enquêter à charge contre eux. En gros, il dirige tout et des autres exécutent (au sens propre). C’est le personnage central du bazar et autant te dire que t’as pas intérêt à lui faire une œillade de travers ! Le plus connu, c’est Antoine Fouquier-Tinville. Ce sera le dernier avant la fin de la Terreur. Tu verras, il a une fin aussi délicieuse que son métier : exécutive.
Concernant les jurés … tu t’en doutes, y’a un os. Ces petits doivent faire leur délibération devant le public. Je vous assure que c’est ce jour qu’on a inventé l’expression « pression sociale », ou « pression révolutionnaire » à l’époque vu que tout tournait autour de ça. Quand vient le moment de donner ton avis, t’as la p’tite goutte de sueur dans le dos qui coule et tu sens que t’as chaud, ta chemise est beaucoup trop serrée, t’as dû trop manger de tripailles la veille. Fouquier Tinville te regarde dans le blanc dans yeux, alors tu condamnes l’autre. Faudrais pas que tu te retrouves sur le banc d’en face à écrire tes mémoires !
Et puis tu as les ancêtres des avocats commis d’office … les « avocats officieux ». Sûrement qu’ils n’avaient pas put avoir leur diplôme pour avoir dit que Jules César était un chic type accro à la démocratie participative. Et à l’opium. Et à la baguette de pain. Un ogre celui-là. Rien que le nom te donne un aperçu de ce que les procès sont : entre un avocat officieux et des jurés qui te regarde dans le blanc des yeux en opinant, tout ça sous le regard de l’accusateur public, tu sens que les gars ne vont pas là bas pour s’éclater, mais plutôt pour écrire leurs mémoires. Sûrement qu’un tatoueur leur faisait des cœurs sur les bras avec la délicate inscription « maman i love you », avant qu’ils ne partent dans la charrette.
Boule de gomme et charettes sponso Fouquier-Tinville
Et tout ce joyeux monde est désigné par le pouvoir exécutif, donc si tu as bien suivi tes cours d’éducation civique à l’école tu vois bien le truc venir : pas de séparation des pouvoirs. La République est une vaste fumisterie, en fait. Y’a conflit d’intérêt comme qui dirait ! Enfin bon, l’idée est de juger tout ceux qui font obstruction à la Rép … A la Terreur. Appelons une guillotine, une guillotine. En fait, il n’en faut pas beaucoup à l’époque, on juge tout ce qui bouge ! Dès le départ, on peut de faire arrêter sur simple dénonciation, bien avant la Loi de Suspects. Elle est votée à l’initiative de Merlin De Douet en Septembre 1793, autant te dire que c’était pas un enchanteur ce garçon, d’ailleurs il écopera du doux surnom de Merlin le Suspect, un surnom bien pourri pour une Loi tout aussi discutable. D’ailleurs, que dit-elle cette loi ?
On te fait une liste non exhaustive de tout ce qui peux te faire accuser d’entrave à la « République » :
Ceux qui murmurent aux assemblées ou qui chahutent : déjà France Insoumise se fait guillotiner la première demie-heure, adieu JL.
Ceux qui font des messes-basses sur le sort de la République, plaignent les français : pas de potins glissés au creux de l’oreille au détour d’un couloir, ça peut être tendancieux. Tu connais le principe du téléphone arabe : d’un « Danton a pris du poids, ne trouvez-vous point ? » on se retrouve condamné pour avoir dit « le gros Danton, tu sais où je lui mets mon poing ».
Ceux qui ont changés de conduite ou de langage selon les événements : tous les députés de l’époque même ceux d’après en sommes. Pas besoin de les faire accuser d’évasion fiscale ou d’agression sexuelle quand on peut les tuer aussi facilement ?
Ceux qui critiquent les petites fautes républicaines ou tendent à défendre la façon dont les royalistes sont traités : rip les Girondins, si t’es vegano-révolutionnaire (que tu milites pour un meilleur traitement des condamnés à morts), tu meurs.
Ceux qui ont les mots « liberté » et « patrie » sur les lèvres mais qui côtoient des nobles, artiso, prêtres contre-révolutionnaires, etc : en fait si t’habites dans un quartier bourge t’es dans la merde, tu peux pas parler aux voisins
En gros t’as compris : dès que tu bouges le petit orteil de pied tu peux te faire arrêter. Si ton voisin peut pas te sentir, tu te fais arrêter. Bref, la liberté d’expression n’existe pas, sauf si tu penses comme les montagnards et on peut arrêter n’importe qui avec cette loi, tout le monde est mis dans le même panier (celui dans lequel leur tête tombe quand ils se font guillotiner).
La France, ce pays indulgent et clément avant l’heure
Cependant, les pays aux alentours se trouvent choqués : « point de tortures ni de supplices ? Qu’est-ce donc que cette mort douce et tranquille ? N’avoie-vous point de désir de souffrance ? » *. On peut dire qu’on était un peu précurseur des morts sans souffrance, à l’époque. C’était un peu la « Start Up Nation » avant l’heure, le goût du risque et de l’initiative. Les militants pour une mort rapide. Plus rapide que l’écartèlement, j’entends, qui pouvait durer quelques dizaines d’heures. D’ailleurs beaucoup d’hommes et de femmes sont restés dignes jusqu’à la fin. Ou certains chantaient, carrément. Du yodel apparemment, pour faire un fuck aux montagnards.
Petits procès et grands décrets : la démocratie à l’œuvre
Un grand nombre des prévenus comparaissent pour raisons politiques, comme les 21 Girondins, condamnés pour idéologies différentes. C’était des révolutionnaires aussi, hein, eux aussi ils étaient contre le roi, mais voilà, tu connais les p’tites tensions entre partis « Machin a dit ça », « L’autre a couché avec ma bonne », « il a mangé mon sandwich au réfectoire », bref, t’as compris l’idée. Toute la petite troupe s’en va donc devant le tribunal de la dictature.
Ce procès est clairement là pour tous les buter. D’ailleurs, dans un souci de démocratie, le tribunal modifie la loi et publie un décret en plein milieu du procès : quand les jurés pensent qu’ils sont assez informés (pour faire accuser les types), hop, ça part dans la charrette et ça fini dans le panier. Les circonstances atténuantes, c’est pour les faibles.
Pire avec le procès de Danton : le malandrain étant trop bon orateur, on décrête, comme ça, que dès qu’il insulte quelqu’un le procès s’arrête : simple, pratique, efficace. Autant te dire que Danton, qui ne machait pas ses mots, n’a pas le temps de les ravaler qu’il est déjà dans la charrette en route pour l’échafaud. L’historien Michelet dira « Ils ont décapités la France ». Quand tu connais l’égo du gros Danton, bon … faut relativiser aussi.
Les trois derniers mois, les condamnations s’accélèrent et à la fin, on vérifie juste les noms, histoire de les ajouter au tableau de chasse. C’est une vraie industrie à l’époque, les lobbys de la guillotine tout ça ! Plus le temps de dépenser l’argent et le temps du contribuable pour juger des charognes !
Comme dans un film de Jacques Tati, l’accusateur Tintin dont je te parlais aura le droit à un procès avant de finir guillotiner à ton tour, on peut dire que sa position était une lame … à double tranchant.
*ouais c’est du niveau moyen âge, roh, toujours à chercher la petite bête aussi !
Pour en savoir plus : Au cœur de l'Histoire : le tribunal révolutionnaire
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